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Changement climatique : comment attirer les touristes dans les pays chauds ?

Publié le 11 juin 2025

Imaginez une plage de sable fin, autrefois bondée, aujourd’hui presque déserte sous un soleil de plomb. Ce n’est pas une scène de science-fiction, mais une réalité de plus en plus fréquente à Hammamet, en Tunisie, comme dans bien d’autres destinations touristiques à travers le monde. Le thermomètre qui flirte avec les 50°C, un littoral qui recule inexorablement : le dérèglement climatique n’épargne pas le secteur du tourisme, pilier économique de nombreux pays. 

Dans ce contexte, comment ces destinations, prises en étau entre impératifs économiques et urgence environnementale, tentent-elles de s’adapter ? Et quelles sont les limites de cette adaptation face à un défi global et croissant ?

Les impacts directs du changement climatique sur le tourisme

La Tunisie offre un aperçu saisissant des défis auxquels le secteur touristique est confronté. Les vagues de chaleur extrêmes y sont devenues monnaie courante. À Hammamet, en juillet 2023, les 44°C ressentis ont transformé la station balnéaire en fournaise, poussant les touristes à se calfeutrer dans leurs hôtels climatisés. Cette hausse des températures a un coût direct avec des factures d’électricité qui explosent. Et la Tunisie n’est pas un cas isolé. En Grèce, les incendies de 2023 ont ravagé l’île de Rhodes, contraignant des milliers de touristes à fuir. En Espagne, en Italie, dans le sud de la France, les canicules à répétition remettent en question l’attrait des destinations estivales traditionnelles. Plus loin, dans les Caraïbes, la multiplication des ouragans menace les infrastructures et la sécurité des visiteurs.

Le recul du trait de côte représente un autre impact majeur. À Hammamet, la plage a perdu trois hectares en trente ans, grignotée par la montée des eaux et les tempêtes. Les vagues viennent désormais lécher les murs des hôtels, une vision d’apocalypse qui inquiète les professionnels. Les Maldives, paradis insulaire, sont menacées de disparition pure et simple. Venise subit des inondations de plus en plus fréquentes. En Floride, l’érosion et les risques d’inondation menacent les plages et les complexes touristiques.

La raréfaction de l’eau est le troisième grand défi auquel sont confrontés ces territoires touristiques. En Tunisie, les hôtels, gros consommateurs, échappent pour l’instant au rationnement imposé à la population, créant un sentiment d’injustice. Mais ce problème se pose avec acuité dans de nombreuses régions : à Chypre et Malte, le stress hydrique est exacerbé par le tourisme. Les îles Canaries dépendent du dessalement de l’eau de mer, une solution coûteuse. Et l’Afrique du Sud a failli connaître en 2018 une crise de l’eau majeure, le fameux Day Zero, qui a impacté l’image du pays pour les touristes.

Stratégies d’adaptation : des solutions variées, mais pas de baguette magique

Face à ces défis, les acteurs du tourisme tentent de s’adapter. Les hôtels multiplient les initiatives : économiseurs d’eau, filtration des piscines, récupération des eaux de pluie, chauffe-eau solaires… Des efforts louables, mais qui ne sont pas à la portée de tous les territoires. Certains hôtels de luxe, notamment dans les zones tropicales, misent sur des bâtiments plus résilients, avec des matériaux adaptés et une conception bioclimatique. La relocalisation des activités est une solution radicale, rarement envisagée.

La gestion de la demande est un autre levier. La Banque mondiale préconise pour la Tunisie une diversification de l’offre touristique, moins centrée sur le balnéaire. D’autres destinations misent sur la promotion du tourisme hors saison, ou sur la sensibilisation des visiteurs aux gestes éco-responsables. En Thaïlande, où la chaleur et l’humidité peuvent être accablantes, les agences de voyages proposent de plus en plus d’excursions en montagne, où les températures sont plus supportables.

Défis, limites et perspectives : vers un tourisme réinventé ?

L’adaptation a un coût, souvent prohibitif pour les petites structures ou les pays en développement. Et son efficacité est limitée : recharger une plage en sable, c’est repousser le problème, pas le résoudre. Pour cela, il faut penser différemment. Les Maldives, menacées par la montée des eaux, ont mis en place un programme de régénération des récifs coralliens pour protéger leurs plages. En Floride, des projets de reforestation des mangroves permettent de freiner l’érosion et d’amortir l’impact des tempêtes. Toutefois, les inégalités sont criantes : les pays les plus pauvres, souvent les plus dépendants du tourisme, sont aussi les plus vulnérables et les moins bien armés.

La crise climatique pourrait-elle être l’opportunité de repenser le tourisme ? Un tourisme moins massif, plus respectueux de l’environnement et des populations locales, privilégiant la qualité à la quantité ? C’est une question de survie, pour le secteur, mais aussi pour la planète.

La crise climatique appelle à une transformation profonde du secteur touristique vers un modèle plus durable et résilient. Le tourisme de masse, tel qu’il existe aujourd’hui, est-il compatible avec un avenir où les ressources se raréfient et les événements climatiques extrêmes se multiplient ? C’est une question qui agite le futur du tourisme et celui des professionnels des voyages.

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