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Tourisme post-COVID : comment Amsterdam veut changer d’image

Pendant des décennies, le tourisme s’est imposé comme une opportunité unique sur le plan économique. En faisant venir des touristes du monde entier, en encourageant consciemment ou non, une massification du tourisme, et ses dividendes (emplois, recettes fiscales, dynamisme économique), certains territoires ont été aveuglés. Le sujet du tourisme de masse est sur la table depuis des années, mais c’est la pause imposée par la pandémie de COVID-19 qui a contribué à repenser la manière dont le tourisme peut fonctionner, et comment il doit s’intégrer dans un environnement naturel, social et économique. L’un des meilleurs exemples est celui d’Amsterdam. Une ville associée aux mots « fêtes », « prostitution » et « cannabis » qui veut désormais changer son image pour faire table rase des excès du passé et construire un tourisme plus durable, respectable et inclusif.

Amsterdam : symbole d’un tourisme de masse, festif, ludique et qui autorise tous les excès

Paris, Barcelone, Venise ou Amsterdam… toutes ces grandes villes européennes font face à une pression touristique considérable qui a transformé la vie des habitants. L’accueil des touristes toujours plus nombreux a engendré une augmentation du coût de la vie et une raréfaction des logements abordables. Se loger dans ces villes est devenu difficile et les quartiers historiques sont désormais soumis à une pression touristique telle qu’elle menace de transformer radicalement le caractère des villes.

Cette pression, Amsterdam la vit au quotidien. Plusieurs enquêtes parues au cours des derniers mois soulignent que les habitants de la ville sont excédés par la transformation d’Amsterdam en ville faite pour et par les touristes. C’est ainsi que le centre-ville est envahi de boutiques de souvenirs, de coffee shops, de pizzerias et de snacks dédiés aux visiteurs. Le célèbre Quartier Rouge est victime des comportements inappropriés des touristes, souvent jeunes et alcoolisés, qui viennent notamment fêter des enterrements de vie de garçon.

Un article de CNN explique ainsi qu’Amsterdam lutte depuis des années contre l’impact des touristes qui font du bruit, jettent des détritus et urinent en public, ce qui suscite le mécontentement croissant des habitants. Une ville transformée en un Disney World pour touristes où tout est permis. Or, après avoir fait l’expérience d’un tourisme réduit au minimum pendant la pandémie, sans ses visiteurs tapageurs, les autorités municipales sont déterminées à ne pas revenir à l’ancienne époque. Pour cela, la ville s’est engagée dans une démarche de « détouristification » de masse. Le but n’est pas d’empêcher les touristes de venir à Amsterdam, mais bien de repenser les choses avec des actions concrètes pour changer d’image et de positionnement dans l’imaginaire collectif.

Une évolution lente mais profonde

L’enjeu pour la ville d’Amsterdam est clair : changer radicalement l’image de la ville sans rompre avec sa réputation de libéralisme et de tolérance. Pour cela, les « beer bikes » (sorte de bars mobiles à pédales, très populaires lors des enterrements de vie de garçon) ont été interdits, la location touristique est limitée à 60 nuits au maximum par an, et l’ouverture de nouveaux hôtels est interdite. Les visites guidées du Quartier Rouge sont restreintes et il est désormais interdit de prendre en photo les prostituées.  Pour faire bouger les lignes, la mairie a aussi décidé de créer un fonds pour aider des associations à racheter des commerces et à les transformer en logements ou magasins dédiés en priorité à ses habitants et non aux touristes.

En parallèle, Amsterdam adapte sa communication avec des campagnes ciblées sur les réseaux sociaux vis-à-vis des adeptes du tourisme urbain et culturel, tout en renforçant les contrôles sur place pour limiter les débordements. Certaines idées vont même encore loin en imaginant déplacer les prostituées du Quartier rouge vers l’extérieur du centre-ville et en bannissant les étrangers des coffee shops.

Transformer l’image touristique d’un territoire, que ce soit pour le faire connaître dans le monde, ou au contraire pour changer son positionnement est une démarche plurielle qui prend du temps. On peut, par exemple, citer Las Vegas comme  ville qui a réussi cette transformation en passant de la ville de tous les excès dans les années 80 et 90, à la ville du divertissement capable d’attirer les professionnels en voyage d’affaires, comme les familles, avec une notabilisation de ses activités.

Pour Amsterdam, l’exercice tient de l’équilibrisme. La ville ne peut pas vivre sans touristes, et changer la réputation d’un territoire prend du temps pour retrouver un tourisme de qualité qui ne soit pas pour autant un tourisme élitiste. Maintenir un tourisme acceptable du point de vue des habitants, sur le fond comme sur la forme, est un défi observé par tous les professionnels qui souligne à quel point la capitale néerlandaise pourrait être pionnière en la matière en Europe. Le temps d’un tourisme sans limite et sans conséquence est définitivement révolu.

 

 

Auteur : Julien Redelsperger

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