Si vous pensez que les parcs nationaux, les grands musées, les avenues chics et les quartiers historiques sont les seuls à attirer les touristes, il est temps de prendre un peu de recul. Le tourisme est une industrie très importante pour la plupart des pays. Mais une industrie qui formate et qui standardise. À la recherche d’authenticité et de frissons, des touristes d’un nouveau genre se lancent dans l’urbex. Abréviation de l’anglais “urban exploration“, c’est une pratique qui connaît un engouement croissant depuis une dizaine années et qui pourrait bien représenter une niche à explorer pour quelques professionnels audacieux du tourisme.
Qu’est-ce que l’urbex ?
L’urbex est une pratique qui consiste à visiter des lieux abandonnés, désaffectés ou oubliés. On peut ainsi partir à l’exploration d’anciennes usines ou lieux industriels, de manoirs et châteaux à l’abandon, ou d’anciens parcs d’attractions. Toutes les régions et tous les territoires sont concernés. D’ailleurs, la recherche du lieu parfait fait tout autant partie du jeu que l’exploration en elle-même.
En général, plus le lieu est atypique et difficile à trouver, plus il a de la valeur aux yeux des “urbexeurs”. Châteaux, usines, prisons, village, églises, stations de ski, zones de loisirs… que ce soit en France ou à l’étranger, le terrain de jeu de l’urbex est sans limites. D’ailleurs, certains explorent aussi des lieux non abandonnés, mais des zones fermées ou habituellement inaccessibles au grand public comme les caves et souterrains, les tunnels de métro ou les chantiers de construction.
Les touristes de l’urbex n’hésitent pas à parcourir des centaines, voire des milliers de kilomètres pour assouvir leur passion. Mais alors, qu’est-ce qui motive ces personnes et pourquoi prendre des risques parfois inconsidérés ? Ce qui compte, c’est le fait de partir à l’aventure pour vivre des émotions nouvelles dans des lieux inédits et bien moins formatés que la plupart des attractions touristiques habituelles. Ce sont des endroits authentiques qui ont une histoire forte. Car faire de l’urbex ne consiste pas seulement à déambuler dans des lieux abandonnés. C’est aussi un moyen de s’intéresser à leur histoire, et aux cultures et coutumes locales. Qui étaient les femmes et les hommes qui vivaient et travaillaient dans ces lieux ? À quoi ressemblaient leurs vies ? Pourquoi ces lieux ont-ils fermé ou été abandonnés ?
L’exploration urbaine est ainsi à la confluence de l’aspect historique, architectural et culturel. Sans oublier le côté exploratoire et sportif. D’ailleurs, contrairement à ce qu’on pourrait penser les urbexeurs sont extrêmement respectueux des lieux visités. Ils ne sont pas là pour détruire, voler ou abîmer, mais bien pour faire perdurer une mémoire quasi inconnue. Passion connexe à l’exploration, la photographie en est souvent le pendant créatif. C’est grâce à leurs photos et à leurs vidéos que l’urbex a pris son envol. Que ce soit sur YouTube ou Instagram, la mise en scène de leurs exploits est tant un moyen de démocratiser la pratique que de souligner l’importance d’un patrimoine sur le point de disparaître.
Les urbexeurs ont d’ailleurs des règles claires sur les lieux visités : ne pas divulguer leur emplacement pour ne pas attirer de visiteurs mal intentionnés, et surtout laisser les lieux dans l’état où ils sont, sans rien casser, toucher ou emporter.
L’exploration urbaine a lentement commencé à percer au milieu des années 80. C’est en 1996 que Jeff Chapman – l’un des pères de l’urbex – lança le fanzine “Infiltration: the zine about going places you’re not supposed to go“. Son livre “Access all areas: a user’s guide to the art of urban exploration” conçu comme un guide pour l’urbex explique l’éthique de la pratique et y donne des conseils et des informations concrètes pour réussir ses futures explorations.
Si l’urbex est donc excitante, fascinante et se vit tant comme un mode de vie qu’une pratique sportive et touristique hors du commun, cela n’en reste pas moins une pratique dangereuse et illégale. Bien qu’abandonnés, les lieux visités sont généralement des propriétés privées, mal entretenues ou en mauvais état dans lesquelles il est facile de glisser, tomber et se blesser gravement.
L’urbex pourrait-elle intéresser les professionnels du tourisme ?
Par nature, l’exploration urbaine ne pourra jamais être un tourisme de masse, car elle s’inscrit en opposition avec ce phénomène. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’il n’est pas possible de structurer la pratique. On peut ainsi imaginer une agence spécialisée ou un guide touristique nouer des accords avec des propriétaires de lieux abandonnés afin d’en autoriser l’exploration (et par là même d’en assurer les risques avec les visiteurs, comme le ferait un guide de haute montagne par exemple). D’ailleurs, dans ce domaine, ce sera l’exclusivité qui fera la différence, un peu comme le catalogue d’un agent immobilier.
Le guide peut ensuite accompagner les urbexeurs sur place, partager les bonnes pratiques en termes de sécurité, transmettre des informations sur la culture locale, l’histoire des lieux, etc. Pour garder son authenticité, il est important de maîtriser les flux et limiter le nombre de personnes.
Une publication de la revue Espaces tourisme & loisirs précisait que
la demande pour un tourisme hors des sentiers battus incite un nombre croissant de touristes à visiter des lieux alternatifs, non intégrés dans les circuits touristiques. Certains prestataires proposent alors des explorations guidées de lieux abandonnés, dont l’objectif est de permettre aux visiteurs de photographier des espaces à l’esthétique inhabituelle. Tout comme l’urbex, ce tourisme de ruines permet d’attirer l’attention sur des espaces fragiles et oubliés et… de les considérer comme des éléments de patrimoine.
De quoi donner des idées innovantes à de futurs professionnels du tourisme sur un marché de niche qui respecterait même la distanciation sociale imposée par la pandémie de covid-19 !