Alors que le secteur du tourisme, des loisirs et de l’événementiel a été l’un des plus touchés par la pandémie causée par le Sars-Cov-2, nous nous sommes interrogés sur le tourisme de demain. À quoi ressemblera-t-il ? Comment va-t-il évoluer ? Est-ce qu’il sera très différent du tourisme pré-COVID ? Pour imaginer le futur, nous avons consulté sept experts qui nous ont livré leur regard sur le sujet. Aujourd’hui, c’est Frédérick Nebout, directeur des programmes de l’École Supérieure de Tourisme et ancien directeur de l’office du tourisme d’Épernay qui nous livre ses impressions.
« Les professionnels du tourisme doivent prendre conscience de l’importance de la communication territoriale et du marketing. »
Comment les professionnels du tourisme ont-ils vécu cette période à votre connaissance ?
Frédérick Nebout : « Lorsque la pandémie a frappé, la stupeur fut intense. Personne n’imaginait une telle situation et les impacts que ça allait avoir, car le monde du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration s’est littéralement arrêté. Ce sont ces métiers qui font partie des premiers touchés, mais qui, heureusement, ont été sauvés grâce aux aides de l’État, afin de maintenir leur trésorerie à flot. La France est le premier pays touristique au monde, et il était indispensable que les pouvoirs publics interviennent. »
Quels sont les territoires qui profiteront le plus du tourisme dans le futur ?
Frédérick Nebout : « Je pense que ce seront ceux qui auront le mieux géré la crise sanitaire. Tous les territoires ne se remettront pas aussi facilement du tourisme qui est un secteur qui repose beaucoup sur la confiance. Selon la manière dont les règles sanitaires ont été mises en place et appliquées, il peut y avoir une forte différence et j’imagine que les touristes y seront sensibles. Sur le marché national, la pandémie a donné l’occasion à certains territoires de faire évoluer leur positionnement touristique. C’est notamment le cas du tourisme vert ou du tourisme durable qui commence à gagner ses lettres de noblesse. Ainsi, en Champagne-Ardenne, l’oenotourisme est une activité connexe à la vitiviniculture, mais qui se développe durablement. Plus que jamais, les professionnels du tourisme doivent prendre conscience de l’importance de la communication territoriale et du marketing pour construire et ajuster leurs offres. »
Quelles sont les tendances, les modes ou les nouveautés dans le monde du tourisme ?
Frédérick Nebout : « Le numérique et le développement durable. On assiste à des changements massifs dans les modes de consommation et dans les comportements. Ainsi, la réalité augmentée devient peu à peu une sorte d’audioguide 2.0 qui vient transformer les visites. C’est, par exemple, le cas avec les applications de l’avenue de Champagne à Épernay ou de celle du soldat Léon sur les plages du débarquement en Normandie. Ce sont des technologies qui vont se développer pour proposer de nouvelles expériences plus immersives. De son côté, la réalité virtuelle peut devenir une carte de visite pour donner envie de venir découvrir sur place les sites ainsi mis en valeur. En parallèle, on constate un intérêt croissant pour le tourisme local, les circuits courts, l’écologie et le commerce de proximité. Les deux peuvent d’ailleurs aller de pair. Le numérique permet de commercialiser des offres à taille humaine plus respectueuses de l’environnement pour une démarche expérientielle et durable unique. »
Quel avenir pour le tourisme de masse ?
Frédérick Nebout : « Il ne disparaîtra pas, mais il reviendra peut-être différemment. Je pense que la pandémie a développé une sorte de prise de conscience globale des excès du surtourisme. Le tourisme de masse peut être aménagé et canalisé pour limiter ses impacts sur nos écosystèmes. J’imagine assez bien des quotas à l’entrée des grands sites touristiques et des plus petits groupes de touristes mieux éduqués à l’impact de leurs actions. Il faut requalifier les attentes touristiques pour consommer raisonnablement. On a une nouvelle génération plus volontaire qui arrive sur le marché du travail. Elle est prête à faire bouger les lignes pour ne pas reproduire les modèles du passé. Il faut arrêter avec les tours de France en une semaine où des groupes de touristes ne font finalement que passer sans profiter pleinement. On était dans une forme de “fast-tourism” comme dans la fast-food. Il fallait que ça aille vite pour multiplier les occasions de photos afin de les partager sur les réseaux sociaux. J’espère vraiment que ces comportements vont changer pour limiter les risques de dégradation du patrimoine. Mais pour cela, il faut davantage de régulation et une forte volonté politique. »
Quelles sont les qualités du manager du tourisme de demain ?
Frédérick Nebout : « Je crois beaucoup aux qualités comportementales qui sont autant, voire plus importantes, que les savoir-faire acquis par l’expérience sur le terrain. Le manager du tourisme de demain se doit d’être curieux, ingénieux et avoir l’œil du client. C’est-à-dire qu’il doit comprendre ce que le client attend. Il y a ici une notion d’excellence dans le service rendu. Il doit s’adapter à son client, à ses besoins, à son environnement et à son contexte. Chaque touriste est différent et la personnalisation du service et de l’interaction est essentielle. »