Alors que le secteur du tourisme, des loisirs et de l’événementiel a été l’un des plus touchés par la pandémie causée par le Sars-Cov-2, nous nous sommes interrogés sur le tourisme de demain. À quoi ressemblera-t-il ? Comment va-t-il évoluer ? Est-ce qu’il sera très différent du tourisme pré-COVID ? Pour imaginer le futur, nous avons consulté sept experts qui nous ont livré leur regard sur le sujet. Aujourd’hui, c’est Thomas Majd, Professeur associé à SCBS (South Champagne Business School) qui nous livre ses impressions.
« Le tourisme du futur sera expérientiel. »
À quoi va ressembler le tourisme du futur pour vous ?
Thomas Majd : « La mondialisation, la concurrence accrue et le développement des nouvelles technologies changent le paysage du marché économique et soulèvent de nouveaux défis pour les entreprises et les clients. Pour y répondre, la notion d’expérience est la solution la plus adaptée. On parle de marketing expérientiel ou de tourisme expérientiel qui permet de passer d’un tourisme de masse à un tourisme d’espace. Je pense que les fondamentaux du tourisme resteront les mêmes après la pandémie. C’est ce qui s’est passé après les attentats du 11 septembre 2001 ou après la crise financière de 2008, même si ces crises avaient moins impacté le tourisme que la pandémie actuelle. On est aujourd’hui davantage sur des évolutions que sur des révolutions draconiennes. »
Est-ce que la transformation digitale a un rôle à jouer en matière d’expérience ?
Thomas Majd : « Oui, sans aucun doute, mais pas uniquement. On parle de la réalité virtuelle ou de la réalité augmentée par exemple, mais les nouveaux métiers qui se développeront dans le tourisme expérientiel sont ceux liés à la gestion des données. On le voit dans tous les secteurs, le big data et l’intelligence artificielle sont partout. Il n’y a aucune raison qu’ils ignorent le tourisme alors que l’expérientiel doit être unique. Or, les données savent tout de nous : ce que nous aimons, ce que nous détestons, nos valeurs, nos amis, etc. En alliant données et expérience, on arrive à des concepts touristiques uniques, car personnalisés, et avec une forte charge émotionnelle, pour créer des souvenirs uniques. Le smartphone constitue aussi une extension du touriste. C’est grâce à son terminal connecté qu’il doit pouvoir tout gérer, des photos à partager sur les réseaux sociaux en passant par ses réservations et ses suggestions d’expériences nouvelles. »
Sur quoi les professionnels du tourisme doivent miser dans le futur ?
Thomas Majd : « La recherche de l’émotion devient la ligne directrice du processus de consommation. Ce faisant, la création d’expériences pour les consommateurs constitue une opportunité pour l’entreprise de vendre son offre à un prix plus intéressant. En effet, le consommateur ne paie pas pour le produit ou le service, mais pour l’expérience, qui elle est unique. En parallèle, l’importance du service sera de plus en plus prégnante. Non seulement le service devra être partout, pour des expériences sans points de friction, allant même jusqu’à anticiper les besoins et désirs des touristes (notamment grâce aux données), mais il devra surtout être constant sur l’ensemble d’un voyage, du départ au retour au domicile. Aujourd’hui, pour un simple voyage, un touriste peut passer par des dizaines de prestataires différents. Il prend un taxi pour aller à la gare, un train pour rejoindre l’aéroport, une compagnie aérienne pour un vol, un hôtel dans un endroit, un autre le lendemain, etc. Si on parvient à avoir cette constance sur tous les points de contact d’un voyage, l’expérience n’en sera que meilleure. »
Quelles seront les futures tendances du tourisme ?
Thomas Majd : « J’en vois une principale, c’est ce que j’appelle “le tourisme partout”. C’est une idée qui renvoie au tourisme d’espace. Chaque moment peut être l’occasion de faire du tourisme. Que vous ayez deux heures libres entre deux rendez-vous dans votre propre ville, que vous fassiez un séminaire professionnel à l’étranger ou que vous combiniez vacances et travail. Le bleisure, contraction de business et leisure qualifie bien cette tendance. On peut faire du ski le matin et travailler l’après-midi. Ou étendre des voyages professionnels de quelques heures ou quelques jours pour profiter de nouvelles expériences touristiques. »
Comment les écoles de tourisme font-elles pour former les futurs professionnels du tourisme ?
Thomas Majd : « Si les enseignements des fondamentaux (marketing, finance, droit, etc.) restent importants, les écoles se focalisent de plus en plus sur les soft skills. On parle de quête de sens, du développement de son esprit critique, d’intelligence émotionnelle et culturelle, d’écoute, d’empathie, etc. Ce sont des notions très importantes dans le cadre d’une communication avec les touristes, que ce soit de manière physique ou virtuelle. Investir sur les soft skills des étudiants leur permet d’avoir les clés pour développer une grande agilité intellectuelle afin de s’adapter à tous les défis qu’ils rencontreront sans se démotiver, mais en étant toujours force de proposition. »